La Ferme du Gyps (13.1)...
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La ferme du Gyps...
La Fouine
( -13.1- )
Le lendemain une momette ouvrit la porte de la maison de Marie.
Une fillette égrignaule, plantée sur deux jambes fluettes d’environ douze ou treize ans. Le teint mat des filles de la terre, une tignasse de feu héritée de son père et un regard vif qui démontrait son caractère malin et espiègle. Marie lui a fait signe d’entrer.
La gamine lui a dit que son père était très malade.
Elle lui a demandé comment elle s’appelait et la gamine lui a répondu très fière « La fouine »
Marie lui a servi un breuvage, et l’odeur a aiguisé ses appétits.
La petite, assise, regardait Marie préparer une sorte de soupe et lui a demandé :
- C’est quoi que t’as à la figure ?
- Je te fais peur ?
- Non, on est pareil !
- Et en quoi on est pareil ?
-Toi et moi, ceux d’en bas, on les aime pas.
-Et pourquoi tu ne les aimes pas?
- Y sont toujours après moi, ils disent que j’suis une mauvaise graine, que suis peute et tous des trucs comme ça, j’m’en fous, j’ les aime pas.
- Mange, ça va être froid.
Marie a songé à son enfance, à ce qu’elle avait enduré de la part des autres enfants, elle s’est dit que cette petite ne devait pas être à la fête tous les jours, qu'elle devait se sentir bien seule.
Marie a sorti une miche du placard et coupé une large tranche de pain.
La gamine, les yeux écarquillés, a regardé le pain comme si on lui présentait tous les délices du paradis. Marie a posé un pot de miel à côté du pain et lui a tendu une pauche, la petite l'a prise avec un air gourmand.
Elle a étalé la cuillérée de miel sur le pain et jetant un œil sur Marie, elle a replongé la cuillère dans le pot tartinant généreusement le pain. Au second coup d’œil, elle s’est aperçue que Marie la regardait.
Elle a hésité, mais comme Marie ne disait rien, elle a léché le miel avant d’ engloutir sa tartine et de r’laver son breuvage.
Marie lui a demandé:- Pourquoi t’appelle-t-on la fouine ?
- A cause que je pêche avec!
- Ah oui, c’est toi que je vois braconner les truites la nuit.
La petite réplique :- Oui ben, faut bien qu’on mange.
J’vais aussi au chavot dans l’Verneau avec une plus petite fouine. J’me l’ai faite et dans l’étang y a plein d’grebeuses ajouta-t-elle crânement, comme si elle voulait défier Marie.
- Bien, c’est prêt, dit Marie, en pensant que cette enfant avait bien de la ressource.
Marie avait rempli le bidon à lait de breuvage avec le pauchon puis elle prit un torchon y posa la miche et le pot de miel noua les quatre coins et dit « Allons- y la fouine, prends le torchon ». Marie ticla la porte. La petite s’engagea tout droit en direction du Lison mais Marie la retint « La pluie a gonflé le Lison, veux-tu te noyer au trou du Gyps? Crois-tu bien que ta mère n’ait pas déjà assez de malheur?» . Et elle entraîna la fillette à travers les champs qui conduisaient à la ferme du Gustave à la Combe, elles remontèrent le chemin de la ferme et passèrent derrière la maison de l’octroi avant de traverser le pont puis elles coupèrent à travers le Grand Verger pour arriver enfin à la maison du journalier.
C’était une petite maison de deux pièces aux volets verts. La petite ouvrit la porte et s’effaça pour laisser entrer Marie, elle appela « man, man elle est venue ».
Sans rien dire, Marie fit rapidement des yeux le tour de la pièce. Puis, elle posa le pot à lait sur la table. Une petite femme à la taille épaisse sortit de la pièce voisine aussitôt suivie d’une marmaille de quatre niards qui, à la vue de Marie, se cachèrent derrière elle.
Marie demanda un verre qu’elle remplit à moitié et se dirigea vers la chambre, non sans avoir auparavant demandé à la fouine de servir ses frères et sa mère.
Elle fit boire le malade et s’étonna du froid qu’il faisait, on sentait le cru dans la maison. Quand elle revint les enfants étaient assis autour de la table, lorgnant tous en direction du torchon que la fouine avait posé près d’elle comme un trésor, avec une mine de chat devant un pot de crème.
- Hé bien la fouine dit Marie, tu ne sais pas couper du pain ?
Aussitôt la petite sortit le couteau du père de son étui et entreprit de couper de belles tranches pour ses frères puis elle leur présenta le pot de miel à la couleur chatoyante. Les petits restaient cloués sur leurs chaises attendant du plus sagement qu’il leur était possible, dans l’impatience grandissante où ils étaient.
Mais avec l’habitude des sœurs aînées, la fouine réprima vite leurs envies de toucher. Marie a même pensé qu’elle devait distribuer quelques taugnées parfois.
La femme se leva à l’entrée de Marie, celle-ci lui dit de garder le reste du pot à lait, elle lui recommanda d’en donner plusieurs fois dans la journée au malade et aussi d’en prendre elle et les enfants le lendemain matin.
Puis elle passa un pacte avec les enfants, ils devaient jouer dans les champs et éviter le village et les autres enfants.
Elle leur promit que s’ils faisaient cela toute une semaine alors la fouine pourrait revenir chercher une miche de pain blanc.
Elle quitta la maison sous les cris de joie des enfants inconscients qu’ils étaient de la menace qui pesait sur eux.
En rentrant, Marie songea que ces enfants ne devaient pas manger à leur faim tous les jours. Et ces imbéciles qui leur reprochaient quelques truites!
Et le froid de la maison, on avait beau être au printemps, les nuits étaient encore fraîches. Elle décida de pousser jusqu’à la taillanderie, Martinien lui ouvrit.
[...]
🔊: L'extrait d'aujourd'hui lu par alain ...
La nouvelle " La Ferme du Gyps" est publiée sur ce blog avec l'accord de l'Auteure/Éditrice du livre: Pascale FUSTER.
Avertissement
Tout ce qui est écrit est purement imaginaire à l’exception de la beauté des maisons et des sites naturels.
Toute ressemblance avec un individu existant ou ayant existé ne peut être que pure coïncidence.
Sont cités les noms de personnes célèbres qui ont acquis une notoriété publique.
Sont utilisées les images du domaine public.
Les noms de familles sont des lieux-dits du village.
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Année publication : 3 -ème trimestre 2020
ISBN : 978-2-9573108-0-7