La Ferme du Gyps (19)...
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La ferme du Gyps...
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( - 19 - )
Un coup de feu claque, manquant Paule de peu, elle se baisse, elle voit un homme en noir, il porte un chapeau noir et tient un fusil. Le second coup de feu ne laisse aucun doute à Paule sur les intentions de l’homme.
Elle essaie de fuir, elle grimpe le pierrier, s’écorchant les mains et les genoux, l’homme s’arrête pour recharger, elle monte encore, et se trouve prise au piège sous les roches de la Baume, elle cherche du regard une échappatoire, quand, sortant de nulle part, une main l’agrippe et la tire à l’intérieur d’un taillis.
Accroupie une jeune femme la regarde un doigt posé sur sa bouche.
Elle a un regard vif , une chevelure flamboyante, et peut-être une dizaine d’années de plus que Paule.
Elle entraîne Paule en grimpant les roches, puis écartant les broussailles, elle la pousse à l’intérieur d’une cavité dont Paule n’avait même pas soupçonné l’entrée. Rabattant les branches devant l’entrée de la grotte, elle observe l’homme.
Elle pose sa main sur la bouche de Paule, celle-ci comprend qu’elle ne doit pas faire un bruit, elle retient son souffle, ferme les yeux et essaie de calmer les battements de son cœur dans sa poitrine, sa vie en dépend ainsi que celle de la jeune femme. L’homme passe tout près d’elles, il va jusqu’aux cavités des roches, il a perdu sa trace, il redescend jusqu’au Verneau et prend le chemin du village. La fouine le suit du regard jusqu’à ce qu’il soit trop loin pour les voir.
Paule égrène les minutes dans sa tête, elles lui paraissent des heures.
La fouine tourne son visage vers Paule et lui sourit. Elles sortent doucement de leur refuge.
Les deux femmes reviennent sur leurs pas et montent sans bruit sur la gauche s’éloignant du Verneau. Mille questions brûlent les lèvres de Paule, mais ce n’est pas le moment.
Elle suit la fouine dans la pente raide et après avoir marché plus de quinze minutes à couvert des arbres, la fouine oblique brusquement vers la droite, Paule se demande où elle l’emmène, mais pour rien au monde elle ne s’arrêterait.
Elle cherchait la fouine et c’est la fouine qui l’a trouvée, pas question de la lâcher.
Elles atteignent bientôt une plateforme rocheuse où Paule découvre une ancienne ruine. Vestige d’un temps oublié, tellement oublié d’ailleurs que plus aucun villageois ne s’en souvient et à moins d’être une chèvre personne ne grimperait jusqu’ici.
- Où sommes-nous? demande Paule.
D’un trait la fouine lui dit :
- J’ te présente « la tour des Montrichard », à par nous et les vautours, personne n’y vient, t’ es en sécurité. Moi je la connais raison que Marie me l’a montrée quand j’étais mouflette, elle disait qu’il faut pas oublier le passé parce que c’est dans ces temps-là que les moines cultivaient les plantes et que les villageois battaient la campagne pour les cueillir, pis y z’ont oublié, maintenant y prient pour qu’on vienne.
Paule sursaute: - On, tu as dit : on ?
Sans répondre la fouine fait volteface et entre dans la masure où elle a installé un camp de fortune sommaire mais confortable.
Paule entre à son tour et reste figée de stupeur. Devant elle, une femme se tient debout. Marie.
Elles se regardent et restent comme aimantées l’une à l’autre sans faire un geste, et soudain Marie laisse couler ses larmes, Paule caresse doucement le visage brûlé de Marie et la serre dans ses bras.
Elles pleurent longuement dans les bras l’une de l’autre.
La fouine s’éclipse doucement, elles ont tellement de choses à se dire.
Paule et Marie se détachent doucement l’une de l’autre, se tenant toujours par les mains.
-Comme tu es belle, dit Marie, approche. Elle fait asseoir Paule sur un tabouret et prend un onguent qu’elle applique sur la joue griffée de sa fille.
Marie ne se lasse pas de la regarder, elle s’assoit à ses côtés et Paule remarque qu’elle le fait avec une certaine difficulté.
Bien que la tour soit à moitié démolie, il en restait assez debout pour que les deux femmes aient pu y installer de quoi vivre, et après ce que Paule avait vu de la ferme du Gyps, elle n’était pas vraiment étonnée de la façon dont Marie et la fouine avaient organisé leurs vies, loin du reste du monde, sur la pente abrupte du Montmahoux. Elles surplombaient le village, ce qui leur offrait l’avantage de surveiller ses occupants.
Mais de quoi pouvaient -elles bien vivre ?
La fouine réapparut, avec un pot à lait dans une main et une poule morte dans l’autre. Paule s’étonna de cette entrée « festive » et osa questionner la fouine sur la provenance de ce butin.
La fouine répondit évasive :
- Ben quoi, faut ben qu’on mange, et pis on a une invitée, elle se mit à rire doucement en sortant un petit baluchon de son tablier.
- Tu rapines ? dit Paule.
Marie sourit et lui dit que ce n’était pas toujours comme ça, elle expliqua à Paule que la fouine allait souvent soigner les familles dans les villages alentour et que parfois pour les remercier, on lui offrait une miche de pain, quelques œufs, un pot de miel.
Les gens des villages étaient reconnaissants pour les soins qu’elle leur apportait et jamais personne n’avait parlé des visites nocturnes de la fouine dans les fermes où le mal frappait.
Elle courait les villages : Montmahoux, Sainte Anne, Migette.
Elle avait sauvé des vies, aidé à naître des rejetons, Marie était très fière de son élève.
Paule soulève le couvercle du pot à lait et un doux fumet s’en échappe.
- Ça, dit la fouine, c’est Lucie. Elle me laisse le pot plein au bassin de l’Archange et moi je lui laisse le vide, personne n’a jamais su. Enfin, je soupçonne bien le Firmin d’avoir vu son manège mais il a fait semblant de rien et pis ça aussi c’est elle ajouta-t-elle en dénouant le torchon.
- Lucie, la femme du taillandier ? questionna Paule.
- Ouais répondit la fouine.
- Je l’ai rencontrée, c’est elle qui m’a indiqué où habitait Zélie dit Paule.
- Je sais, j’ beuillais dit la fouine.
- C’était donc ça, l’impression d’être observée constamment, c’était toi ?
- Ben j’étais pas la seule, y avait l’aut’e aussi, le tout noir. Paule frissonna en repensant à l’homme qui avait essayé de la tuer.
- Qui est-il ? Que veut-il ?
Marie posa sa main sur celle de Paule et lui dit:
- Nous allons manger, après nous te raconterons ce que Zélie ne sait pas.
Elles mangèrent la soupe et Paule regarda avec étonnement le drôle de gâteau que lui présentait la fouine.
- Qu'est-ce que c’est ? questionna-t-elle
- Des beignets d’acacia, ça s’mange comme ça et elle mit la grappe dans sa bouche pour la retirer par la queue.
Tu aimes ? va z’y mange, y en a beau faire, assura la fouine.
Paule ne se fit pas prier.
Elle savourait avec délectation ce premier repas avec sa mère.
[...]
🔊: L'extrait d'aujourd'hui lu par alain ...
La nouvelle " La Ferme du Gyps" est publiée sur ce blog avec l'accord de l'Auteure/Éditrice du livre: Pascale FUSTER.
Avertissement
Tout ce qui est écrit est purement imaginaire à l’exception de la beauté des maisons et des sites naturels.
Toute ressemblance avec un individu existant ou ayant existé ne peut être que pure coïncidence.
Sont cités les noms de personnes célèbres qui ont acquis une notoriété publique.
Sont utilisées les images du domaine public.
Les noms de familles sont des lieux-dits du village.
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Année publication : 3 -ème trimestre 2020
ISBN : 978-2-9573108-0-7