La Ferme du Gyps (16)...
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La ferme du Gyps...
Disparition
( - 16 - )
Les craintes de Marie était fondées, petite.
Tu vois, l’année mille neuf cent vingt et un fut une année terrible, oui terrible! dit Zélie les yeux dans le vague, perdue dans ses souvenirs.
Elle s’arrêta un instant et demanda à Paule de lui servir un verre d’eau, la cruche était sur le buffet.
Paule se leva et la servit, elle se rendit compte qu’elle n’avait pas bougé depuis le début du récit et elle sentait les fourmis engourdir ses membres, ces quelques pas lui firent du bien et elle revint prendre sa place près du feu dans lequel elle remit une bûche.
Zélie après s’être désaltérée reprit la suite de son histoire.
Cette année-là, la maladie se répandit dans le village semant la mort et la désolation, les habitants avaient peur, on ne laissait plus les enfants courir les rues et certains se sont même coupés du monde.
Ils ont bien fait, ce sont ceux-là qui ont survécu.
Pourtant, certains hommes continuaient à se retrouver chez le Célestin.
Le soir, ils tapaient le carton et buvaient plus que de raison pour se rassurer, pour oublier, de toute façon toutes les excuses étaient bonnes.
Il y avait deux bons gars de la taillanderie ce soir-là, les conversations tournaient autour des morts, des vivants et l’on pariait sur celui qui passerait avant le matin.
Le Paul s’agitait, vociférait, puis tout à coup il explosa. Cré vindiou on va tous crever, tous crever, je vous dis, et s’adressant aux ouvriers:
- Et vous ? z’ avez pas peur d’y rester ?
L’ouvrier lui répondit en riant:
- Nous ? Non, la Marie nous protège!
Paul hurla :
- Pas nous, la faute à qui, aux salopes des salopes, je vous dis, j’le sais, mais j’ai rien fait moi, rien, faut qu’j’lui dise à la Marie, faut qu’j’lui dise. Il jeta son verre de l’autre côté du comptoir et sortit en titubant.
Les ouvriers se levèrent et le rattrapèrent sur le pont du Lison.
- Arrête, arrête Paul ,il est tard, tu vas la fâcher la Marie, calme-toi, rentre chez toi, tu la verras demain.
Mais Paul partit dans son élan, il ne pouvait plus se taire et il libéra sa conscience:
- Y m’l'a dit quand la maison est partie dans la boue, l’était pas mort l’Edmée, y m’l'a dit que l’Alphonse, l’Anatole et lui y l’ont étranglée pour pas qu’elle parle, rapport au viol, et qu’ y l’ont pendue pour pas qu’on les accuse, y m’la dit avant de casser sa pipe. Mais la Marie elle s’est vengée, et même le feu, j’y étais pas, j’étais même pas au village. Faut lui dire à la Marie, les gars faut lui dire.
Ils durent lui promettre de parler à Marie pour qu’il se calme enfin et il accepta de ne pas monter au Gyps avant le lendemain.
Les deux gars remontèrent le crêt Bourot et retournèrent à la taillanderie, en passant devant la maison de Marie, ils se regardèrent.
- Faut l’ dire dit le premier.
- Oui, dit l’autre, demain matin on ira voir le patron.
Et ils rejoignirent le dortoir où ils logeaient derrière l’atelier de menuiserie de la taillanderie.
Paul s’arrêta sur le pont, il triturait sa casquette, parlait tous seul, et partit en direction du crêt Bourot, non il devait lui dire , lui dire….
Le Paul ne vit jamais Marie, on le trouva le lendemain matin noyé dans la fontaine de la Cormière.
Les ouvriers ont raconté au maître des forges l’histoire du Paul, celui-ci les a envoyés chez Marie, la petite avait le droit de savoir, elle avait eu assez de malheur, Faustine était vengée cela la consolerait peut-être un peu .
Ils ont frappé timidement à la porte, visiblement mal à l’aise:
- « M’dame, faut qu’on vous dise, voilà votre bonté nous protège des maladies alors y faut qu’on vous dise c’que le Paul nous a dit hier au soir ».
Ils se sont assis tous les trois autour de la table, et les deux gars se sont jetés à l’eau, ils ont raconté à Marie toute l’histoire du Paul.
Marie a caché son visage entre ses mains, elle avait envie de hurler sa haine, sa douleur.
Les deux hommes se sont excusés et ils sont partis mal à l’aise de la voir dans cet état.
C’est comme ça que la fouine la trouvera en arrivant, prostrée, effondrée.
Marie a raconté à la petite la découverte qu’elle venait de faire, sa mère ne s’était pas pendue, ils l’avaient tuée.
La fouine est restée avec elle, elle lui a fait boire une tisane et l’a aidée à s’allonger, et tandis que Marie dormait, elle a couru prévenir la Jeannette qu’elle resterait dormir chez Marie.
Quand la fouine est revenue, Marie dormait toujours, les plantes faisaient effet. Elle s’attela aux tris des plantes posées sur la table, il fallait s’en occuper avant qu’elles gâtent. Elle travailla ainsi jusqu’à midi, jetant de temps à autre un œil sur Marie.
Quand Marie s’éveilla, elle allait mieux, elle versa de l’eau claire dans la cuvette de faïence et se lava le visage. Tandis que ses doigts glissaient sur sa cicatrice, elle se prit à penser que celui qui avait voulu la brûler, voulait peut-être la faire taire, elle aussi.
Elle savait maintenant que les assassins de sa mère étaient morts, tous les trois, mais cette nuit-là ils étaient quatre. Elle ferma les yeux et se revit courir dans la forêt, elle entendit le souffle court de l’homme derrière elle.
Qui? Était-il encore en vie? Si elle ne savait pas qui était le quatrième homme, alors ils mourraient tous.
[...]
🔊: L'extrait d'aujourd'hui bientôt lu par Kali Retsuf ... mais en attendant....
La nouvelle " La Ferme du Gyps" est publiée sur ce blog avec l'accord de l'Auteure/Éditrice du livre: Pascale FUSTER.
Avertissement
Tout ce qui est écrit est purement imaginaire à l’exception de la beauté des maisons et des sites naturels.
Toute ressemblance avec un individu existant ou ayant existé ne peut être que pure coïncidence.
Sont cités les noms de personnes célèbres qui ont acquis une notoriété publique.
Sont utilisées les images du domaine public.
Les noms de familles sont des lieux-dits du village.
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Année publication : 3 -ème trimestre 2020
ISBN : 978-2-9573108-0-7