L'Éphémère : "Vagabond" (...)

Un poème de Max Garnier...

Le Vagabond

Le vagabond s’en va, solitaire et maudit,

Et la route résonne au choc de son bâton ;

Le sarcasme haineux en tous lieux le poursuit.

Il n’a d’autre désir qu’hôpital ou prison.

Ses longs cheveux sont blancs, et ses membres sont las ;

En sa face ridée hurle sa blême faim.

A la porte du riche il quémande son pain ;

Mais le riche hautain ne le lui donne pas.

Parfois, quelque fermier charitable et pieux,

L’abrite sous son toit dans l’étable ou la grange ;

Là, il peut reposer son corps infirme ou vieux,

Sans que l’aboi d’un chien menaçant le dérange.

Jadis il travaillait dans quelque sombre usine,

Créant de la jouissance au prix de sa santé ;

Mais lorsque l’âge vint, avec lui vint la ruine :

L’ouvrier impuissant ne fut plus occupé.

Et depuis ce jour-là il traîne sa carcasse,

Maigre de lassitude et fiévreuse de faim,

Sur la route poudreuse où sa marche se lasse :

De village en village il va mendiant son pain.

Il trouble les repus de ses haillons crasseux,

Lorsqu’il va humblement se prostrer sur leur seuil,

Et seul comme Lazare au sortir du cercueil,

Il promène sa vie hâve de souffreteux.

Il est heureux pourtant sous le soleil de mai.

Il sait près d’un ruisseau, au fond d’une ravine,

Un refuge odorant tout fleuri d’églantine,

Le gendarme le guette et le juge le hait :

La prison est pour lui l’intermittent bercail

Où l’on mange et l’on dort sans crainte et sans émoi ;

Et dans sa violation nécessaire des lois,

Il erre autour de nous comme un épouvantail.

Max Garnier

( La Vie Meilleure, 1902 )

(  😀: Merci à Brice Leibundgut qui nous a envoyé ce poème d'Eugène Chatot alias Max Garnier... )

Tous les poèmes de ces "Rencontres Poétiques du Lison de la Loue et de la Furieuse" ici:

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Photo vagabond : Flaxe

  Article publié le Jeudi 17 Mars 2022...

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