Différence de point de vue (3)...

Troisième épisode de la nouvelle de Nathalie Faure-Lombardot,

 

Différence de point de vue…

[...]

- Ah non ! répondit-il du tac au tac, un petit sourire triste au coin des lèvres. ça n'a jamais dépendu de moi : la preuve !... Et ça ne dépend plus de moi ! Je ne te demanderai plus jamais de rester ! ajouta-t-il doucement, en se levant. Tu as bien su te débrouiller pour partir une fois, tu peux le faire une seconde fois…

Il quitta la salle sans un mot de plus, sans un regard en arrière, presque précipitamment. Il monta dans sa voiture et démarra sur les chapeaux de roue, comme s'il s'enfuyait.

Leina essuya soigneusement le tour de ses yeux, retenant à grand peine ses sanglots. La peau autour de ses paupières commençait à la brûler. Elle remonta dans sa chambre, sans précipitation, presque avec résignation.

- Et voilà ! pensa-t-elle ironiquement. Comment foutre sa vie en l'air en une leçon !

Elle avait tellement mal que paradoxalement, elle ne ressentait plus rien qu'un grand vide, un gouffre dans lequel elle avait l'impression de tomber. Elle laissa la porte claquer toute seule et s'assit sur son lit. Elle avait tellement espéré qu'il l'écouterait, la comprendrait, se jetterait dans ses bras, trop heureux de la retrouver. Mais dans le fond, elle savait…. Elle savait qu'il ne lui pardonnerait pas…. Et puis un homme comme lui, qui avait des centaines de possibilités, ne pouvait pas fonder sa vie sur sa relation avec une fille comme elle. Le conte de fées était fini, c'est elle qui était partie, il le lui avait répété… Elle entendit soudain résonner à ses oreilles, les remarques acides de Claudia, sa principale rivale, quelques mois auparavant : "Pas d'affolement ! Il ne va quand même pas passer sa vie avec une fille comme elle ! Il en aura bientôt marre de jouer les nounous ! Quand elle ne l'intéressera plus, il passera à une vraie gonzesse, une qui soit à sa hauteur ! Un mec pareil avec elle ? C'est donner de la confiture à un cochon…". Elle en avait pleuré des heures et des heures. Et de nouveau, les larmes inondaient son visage. C'est ce jour-là que la vérité lui avait éclaté au visage : il ne la quitterait jamais… il resterait par pitié. Elle ne le méritait pas. Elle n'avait pas le droit de gâcher sa vie à lui. Il lui avait fallu prendre une décision : elle l'avait prise. Elle lui avait menti pour le préserver, pour qu'il ne cherche pas à la retrouver, à la faire changer d'avis. Elle savait qu'elle lui ferait du mal au début, mais c'était pour la bonne cause… Elle savait aussi qu'il s'agissait d'un quitte ou double. Elle gagnait : ils vivraient heureux, elle perdait… il aurait au-moins une chance d'être heureux, lui… avec quelqu'un d'autre ! Elle se laissa tomber de tout son long sur le lit et laissa éclater ses sanglots.

Elle resta longtemps allongée sur le dos à contempler le plafond, ce putain de plafond dont elle ignorait même l’existence quelques mois auparavant. Elle était allée au bout de son rêve ! Bien ! Et ça lui apportait quoi, maintenant qu’il n’était plus là pour en profiter avec elle ? Mais dans le fond, il n’était pas le centre du monde, celui-là ! Il était vexé ? Tant pis pour lui ! Elle allait pouvoir vivre normalement à présent, même sans lui ! Et puis des hommes, il y en avait plein les rues… Pas des comme lui, d’accord ! Mais… mais pas des comme lui, justement ! Il était le seul, l’unique… Et c’était lui qu’elle aimait, qu’elle voulait ! Comme chaque fois qu’une nouvelle vague de larmes menaçait de la submerger, elle fermait les yeux, serrait les poings et tentait de penser à autre chose… Un doute s'insinua en elle : avait-il compris ce qu'elle avait fait ? Elle repassait en boucle dans sa tête leur entretien. Elle ne l'avait pas dit explicitement, mais c'était évident, non ? Sa façon de la regarder… Il avait compris ? Peut-être… ou peut-être pas ? Devait-elle le rappeler pour lui expliquer plus précisément ? Avec le risque qu'il lui réponde encore : "tu me prends pour un imbécile ? "

Elle avait fini par décider qu'il savait et qu'il ne voulait pas qu'elle reste, donc elle avait rangé ses affaires. D’abord, elle n’avait pas sorti grand chose, comme pour conjurer le sort. Elle repartit pour l’aéroport. Elle n’en pouvait plus de cette chambre d’hôtel étriquée, froide et impersonnelle.
 

[...]  À suivre... Ici:

 

L'extrait d'aujourd'hui  lu par Catherine Humbert  sur une musique de  Jimena Contreras: "Hopeless"...:

La nouvelle "Différence  de point de vue" de Nathalie Faure-Lombardot,

est publiée  dans  "Mensonges Exquis" aux Éditions ACAI.

 

 

( Photo: Jasmine MJ  : "Amour"  )

Article publié le Mercredi 8 Février 2023...

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