"Jeudi" (1)...
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Nous commençons aujourd'hui la parution en feuilleton d'une nouvelle de Dominique Mausservey:
JEUDI...
L'apparition du soleil dans un ciel azur annonçait le début d'une journée agréable. Ses rayons apportaient une clarté nécessaire au renouveau de la nature. Déjà, des oiseaux chantaient à l’orée de la forêt. La faune s’apprêtait à vivre des heures riches en émotions. Dans les prairies, les perles de rosée reflétaient la lumière. Partout dans la campagne, la flore jouissait de l’illumination retrouvée pour croître sereinement. Un village se dressait dans cet environnement féerique et quelques ruraux admiraient ce spectacle.
Dans une ancienne ferme rénovée, Victor était très agité et se retournait sans cesse dans son lit. Ses lèvres tremblotaient, ses doigts s’agitaient en un ballet désordonné et sa peau couverte de sueur collait aux draps. Qui donc pouvait le perturber à ce point ?
- Cocoriiico !!! cria un coq.
Réveillé avant le chant du maître de la basse-cour, Victor ouvrit enfin les yeux. Une envie l’incitait à abandonner sa couche au plus vite mais il se raisonna : Il devait attendre le signal. Il pensa à la promesse de maman Charline qui lui répétait chaque matin :
- C’est pour jeudi...
Victor supposait qu’elle se trompait. Cela faisait si longtemps qu’il espérait. Afin que les minutes paraissent moins longues, il regardait la luminosité à travers les volets à claire-voie et s’obligeait à demeurer immobile, les bras le long du corps.
- Ça passe pas vite, soupira-t-il.
Dès qu’il perçut du bruit dans la cuisine, il se leva d’un bond. Vingt secondes plus tard, Charline vit surgir son enfant dans un pyjama bleu trop large pour son corps fluet.
- B’jour m’man !
La mère lui retourna le souhait. Grande et mince, le visage avenant et les cheveux châtains, elle déposait les derniers ingrédients du repas sur la table.
Confiant, Victor se dirigea vers la porte d’entrée et Moutardo, un chat de gouttière au pelage jaune-orangé, sauta d’un siège puis lui emboîta le pas lorsque Charline lança :
- Tu prends ton petit-déjeuner avant ! Victor n’avait qu’une envie: aller dehors dès que possible. Il mangea rapidement, enfourna des tartines entières dans sa bouche au risque de s’étouffer, but son bol de lait chocolaté, essuya les moustaches de mousse avec son poignet puis demanda :
- C’est aujourd’hui ?
- Non, on est mardi et c’est pour jeudi, expliqua Charline sans montrer le moindre agacement.
Depuis le vendredi précédent, le garçon semblait obnubilé par la date prévue pour l'événement familial.
- T'es sûre ? T’as bien compté ?
- Oui, 21 jours. dit-elle avec calme.
Victor soupçonnait une erreur dans le calcul maternel. Charline avait peut-être raison mais il devait aller voir, se rendre compte par lui-même. Il repoussa son bol au centre de la table, glissa de sa chaise et fonça au dehors sous le regard amusé de sa maman.
- T'es trop pressé mon petit, sourit-elle. Ça doit suivre son cours..
Elle avait anticipé la réaction du félin qui désirait, dans son intérêt de carnassier, accompagner Victor. Elle retint in extremis Moutardo qui hérissa ses poils en signe de mécontentement.
- Non, pas toi ! rugit-elle. Le chat se contorsionna afin de s’échapper mais, maintenu avec fermeté, il resta prisonnier des mains féminines et miaula en désespoir de cause.
[...]
À suivre... Ici: https://vivranans.info/2023/01/jeudi-2.html
L'extrait lu provisoirement par Alain L. :
Nouvelle publiée dans "Mensonges Exquis" aux Éditions ACAI.
( Photo Georges Morel : Une ferme du Haut Doubs)